Histoires

Créer des souvenirs en tant que mère célibataire

Pour la journaliste Rebecca Cope, photographier sa fille est devenu une véritable déclaration d’amour à leur petite famille

Woman lounging on a pool float, holding a smiling baby in a yellow outfit with a hood. Trees and a building are in the background.
Woman lounging on a pool float, holding a smiling baby in a yellow outfit with a hood. Trees and a building are in the background.

Journaliste et ancienne directrice digitale de Tatler magazine, Rebecca Cope a interviewé les plus grandes stars d’Hollywood et sillonné les tapis rouges aux quatre coins du monde. Mais son plus précieux sujet est désormais bien plus près d’elle : il s’agit de sa fille, Luna. Depuis qu’elle est mère célibataire, Rebecca a détourné son objectif du monde extérieur et pratique la photographie pour capturer des instants d’amour, fugaces mais intenses, des instants de rires et d’éveil.

Woman in sunglasses holding a baby wrapped in a white blanket, outdoors with trees in the background.

L’une de mes activités préférées consiste à me plonger dans les vieux albums photo de ma mère. En fait, je pense que beaucoup de mes tout premiers souvenirs n’en sont pas vraiment, ce sont des souvenirs de ces photographies qui se sont imprimées dans ma mémoire. Le cliché d’un ami de la famille dansant sur « The Birdie Song » de The Tweets, un tube kitsch des années 80 en Angleterre, à la fête de mon cinquième anniversaire. Une photo de moi, lors d’une chaude journée d’été, dévalant le toboggan de mon jardin avant d’atterrir dans une petite piscine. Une image sur laquelle je suis debout sur une poutre en bois dans la cour de l’école, et où j’esquisse un « V » avec mon index et mon majeur, entourée de mes camarades de dernière année de primaire. Tant de ces moments m’auraient échappé s’ils n’avaient pas été immortalisés sur pellicule.

Malgré tout ce qu’on peut dire de négatif des smartphones, ils représentent un véritable atout pour immortaliser facilement les moments de nos vies. Ce constat me semble d’autant plus vrai depuis que je suis maman. J’incarne parfaitement le cliché de la mère qui regarde toutes les photos de son bébé après l’avoir couché. Ainsi, je revis les instants de la journée qui est sur le point de s’achever.

En tant que mère célibataire, sans doute parce que je n’ai personne avec qui me remémorer tous ces moments, j’ai ressenti un besoin particulièrement fort d’immortaliser les premières années de ma fille Luna. C’est une forme de police d’assurance pour mon esprit. À tout moment, je peux me replonger avec tendresse dans ces souvenirs, revivre son premier sourire, ses premiers pas, revoir cette première fois où elle a posé pour mon objectif en disant « cheese! »

Je suis convaincue que dans quelques années, elle prendra du plaisir à revivre ces moments avec moi, et elle comprendra, à travers ces clichés, à quel point je l’aimais et me réjouissais de chacune de ses victoires. De bien des manières, la photographie raconte des histoires. Je veux pouvoir lui montrer un jour que, même si son histoire n’a pas toujours été facile, elle n’en était pas moins remplie de joie.

A baby with a milk mustache sits in a high chair, wearing a white bib and blue checkered outfit, looking curiously at the camera.

 Documenter les premières années de ma fille est une forme de police d’assurance pour mon esprit. À tout moment, je peux me replonger avec tendresse dans ces souvenirs. 

Depuis les tout premiers jours de sa vie, je n’ai jamais arrêté de la photographier. Elle venait tout juste de naître quand je l’ai prise en photo pour la première fois. J’avais pu remettre la main sur mon téléphone après un accouchement éprouvant et une césarienne en urgence. Sur cette photo, elle a un œil fermé et l’autre ouvert, comme si elle faisait un clin d’œil à l’objectif. Sur un autre cliché, pris dans les premiers jours brumeux du post-partum, elle dort comme un petit ange, enveloppée dans les langes lilas de l’hôpital. Malheureusement, cette sérénité n’annonçait en rien ses futures habitudes quant au sommeil. J’ai également des images de moi en train d’allaiter, ma doula me disait qu’un jour je les regarderai avec tendresse, et elle avait raison. Il y a aussi cette photo de notre premier bain ensemble, sur laquelle ma fille arbore un large et radieux sourire. Je lui montrerai probablement ces photos à ses 18 ans.

Une pensée surgit souvent dans l’esprit de celles qui avancent le long du chemin de la maternité : le temps passe à une vitesse folle. Situer avec précision ce moment où le visage de son enfant change, où il cesse d’avoir l’air d’un bébé et devient une petite personne, ça n’a rien de facile. Être en mesure de garder une trace de l’évolution du visage de ma fille est l’une des choses les plus précieuses que la photographie m’ait donnée. Paradoxalement, à travers les premières images de sa vie, je pouvais entrevoir la fillette qu’elle allait devenir, mais en même temps, je m’étonne de voir à quel point elle est différente. C’est si touchant de constater que son esprit malicieux s’affirme de plus en plus. La fillette de bientôt trois ans qui se pare d’une couronne de princesse et de lunettes de soleil est bel et bien la même petite personne que ce nouveau-né qui faisait un clin d’œil.

Au début, Luna ressemblait tellement à son père, mais avec le temps, je me reconnais de plus en plus en elle. Compte tenu de notre rupture, cette ressemblance en développement me procure beaucoup de joie. Elle devient une petite version de moi. Comparer des photos de nous à des âges similaires est un de mes passe-temps favoris.

A child in a pink dress and crown holds a wand in a toy-filled room, with stuffed animals and a toy car in the background.

 Être en mesure de garder une trace de l’évolution du visage de ma fille est l’une des choses les plus précieuses que la photographie m’ait donnée. 

À la fin de l’année dernière, la grand-mère paternelle de ma fille nous a quittés subitement. Dans les jours qui ont suivi cet événement tragique, j’ai parcouru toutes les photos d’elle avec Luna en regrettant qu’il n’y en ait pas davantage. Je n’en ai que vingt-deux prises lors des rares occasions où elles étaient réunies. Ce chiffre dégage quelque chose de cruel. Il sera douloureux à entendre pour Luna, le jour où elle sera en âge d’en apprendre plus sur cette « Nanny » qu’elle n’aura pas eu le bonheur de connaître ni d’apprécier. C’est pour cette raison que je m’efforce plus que jamais de capturer les moments entre Luna et ma mère, ma sœur, mon beau-frère et ma tante (aussi agaçant que cela puisse parfois être pour eux). Je tiens beaucoup à ce qu’elle puisse se voir comme faisant partie d’une famille qui, malgré sa taille modeste, n’en reste pas moins aimante.

Autre point sur lequel je dois m’améliorer ? Demander aux autres de prendre des photos de nous deux, ensemble. Alors que j’ai une infinité de clichés d’elle pris sur le vif en train de jouer, ou avec mes amis et ma famille, je n’ai probablement qu’une dizaine de photos de nous deux qui ne sont pas des selfies face au miroir. J’ai une grande affection pour les photos de moi enfant avec mes parents. Ce genre de clichés nous ancrent dans le temps en nous représentant à différents âges, ensemble. Plus tard, ces photos rappelleront sans doute à ma fille que moi aussi j’ai été jeune un jour, que j’ai tracé mon propre chemin dans la vie en essayant toujours de donner le meilleur de moi-même.

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